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Le petit train

En 1988, le groupe "Rita Mitsouko" fait un tube avec une chanson d’allure festive, intitulée “le Petit Train”. La syntaxe un peu tortueuse et l’interprétation déjantée en sont-elles la cause? Toujours est-il que la plupart des auditeurs passent complètement à côté du sens de la chanson. On fait la fête en boîte de nuit sur la voix de Catherine Ringer assenant : “Petit train, où t’en vas-tu? train de la mort, mais que fais-tu? le referas-tu encore?” 

En 1961, Charlotte Delbo, achète une minuscule gare désaffectée, dans le Loiret. Elle a réussi à sortir vivante de la « gare qui n'a pas de nom », « la plus grande gare du monde », Auschwitz. Entre les rails, elle aménage un jardin. 

 

Ces deux exemples résument bien la démarche du “Petit Train”.

 

Le souvenir de l’horreur ne peut s’éteindre. Il est sans cesse alimenté par les horreurs nouvelles qu’inventent inlassablement les primates intelligents. Sous les rires des fêtards et le parfum des fleurs sommeillent les rails. Régulièrement des messieurs et des dames bien habillés suggèrent de caser tous nos problèmes, et avec eux leurs responsables désignés, dans une sorte de convoi que l’on enverrait remplir des territoires bien sécurisés. Le bon peuple hoche la tête. Il n’est pas loin d’être d’accord. Il est bien persuadé qu’aucun wagon ne le concerne, il ne fait pas partie des suspects. Il ne veut qu’un monde propre où vivre tranquille. En 1933, des juifs ont voté pour Hitler. Les goulags étaient pleins de communistes.

 

Mais Charlotte, déportée, et Catherine, fille de déporté, plantent des fleurs et chantent. Qui va, les yeux dans les yeux, les accuser de frivolité? De non engagement? De culture de l’oubli? Elles disent “je suis quand même là”. La vie est quand même là. Le train de la mort passe sur fond de pop music, il n’est pas qu’un souvenir, il est une terreur. Il peut surgir n’importe quand pour écraser les jardins. L’oublier serait une erreur. Ni les Catherine ni les Charlotte ne l’oublient. Simplement, elles sont là avec la force de la vie, de la musique, de la nature. Les mains pleines de notes et de terreau. Elles sont vivantes. Elles ont résisté.

 

Comme d’autres ont résisté. Les formes de résistance sont multiples! 

 

Le souvenir et le combat, la résistance et la résilience, la volonté de planter des fleurs entre les rails, de rester éveillé et joyeux, le droit de croire en la beauté, encore, malgré tout, parfois désespérément, avec la force de la fraternité, c’est ça “LE PETIT TRAIN”

Plus qu’un spectacle, un itinéraire débroussaillé à l’intérieur de nos petites histoires qui font l’Histoire. 

 

Des musiciens, chanteurs, lecteurs, comédiens, graphistes, auteurs, danseurs, conteurs, et tant d’autres artisans de l’éphémère, entraînent les voyageurs de gare en gare. Comme dans la vraie vie, le trajet n’est jamais le même. L’improvisation y a sa place, royale. Le public voyageur est aussi acteur. Comme dans la vraie vie, on arrive quelque part, mais où? Pas toujours là où on l’avait prévu.

 

Un spectacle conçu par Elisabeth Soulas

Gaby Bonahon : accordéon 

Jean-Philippe Pinchon : accordéon, piano

Jean-Marc Moullet : piano, mélodica

Une dizaine de chanteurs, acteurs, lecteurs...

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